Le deuil de la grossesse est un phénomène encore et toujours considéré comme ordinaire. Il est pourtant plus qu’urgent que la conscience de tous s’éveille pour que puisse être entendue la souffrance de la perte couplée au constat de l’indifférence totale de notre entourage.
Nous sommes autorisés à fêter la vie, mais nous ne pouvons pas parler de celle que nous devions donner.
Pourquoi ? Est-ce un crime ?
Le deuil périnatal est la mort d’un fœtus au cours de la grossesse, in utero, au moment de l’accouchement ou dans ses premiers jours de vie.
À partir de la 20e semaine de grossesse (ou 22e semaine d'aménorrhée) et ce jusque 7 jours après la naissance. Il est possible de reconnaitre l’enfant mort-né dès 14 semaines d’aménorrhée ; depuis 2008.
C’est là une vraie consolation pour les parents à qui l’on offre enfin le droit, s’ils le souhaitent, de donner l’identité à ce petit être, leur bébé.
Nous ne pouvons pas comprendre sans le vivre ce que signifie le fait de ne pas pouvoir donner un nom à un être qui n’a fait qu’un avec nous !
Il est donc important d’accompagner le choix des parents et de le respecter sans jugement aucun. Personne ne vit leur souffrance !
Il y a différents deuils en lien avec le projet de la création de la vie.
Le deuil de la maternité, l’avortement, le deuil périnatal qui englobe la fausse couche ou l’enfant mort-né.
Quelle que soit la forme qui se présente à un parent, il n’y a pas de degré de douleur ni de banalisation à faire.
Chacune de ces situations est un évènement qui nécessite d’y porter une attention particulière tant pour la femme que pour l’homme qui vit le deuil d’une autre manière, certes, mais c’est une perte pour lui aussi.
Le devenir de cette femme et/ou de cet homme va prendre une toute autre dimension.
Rien ne sera jamais plus pareil à leurs yeux. Cette expérience sera encrée et cristallisée dans leurs cellules, leur ADN et provoquera consciemment ou inconsciemment des changements en eux et autour d’eux.
Le deuil est une grande source de lien d’attachement, un déchirement, une perte vécue comme une partie de vous qui s’efface.
Un vide que l’on cherche en vain. C’est bien plus que de la souffrance, un tourment, un tourbillon qui s’invite sans qu’on ne l’ait demandé, dans la suite de votre évolution.
En dehors de l’avortement volontaire ou pas, c’est un projet de vie qui n’aura pas lieu…
Un équilibre qui va vaciller, des émotions destructrices qui vont prendre racine en vous.
Désormais, cette souffrance fait partie de vous. Elle n’est pas vous !
Il va falloir réussir à trouver au fond de vous ce qui va vous aider à vous dissocier de cette douleur profonde.
Elle s’invite, s’installe et se fige dans votre essence.
Il va falloir combler la place de cet enfant. Comment avancer autrement qu’avec le mode d’emploi imposé par la société ?
Quand elle vous dira, « Ce n’est rien », mais « Tu pourras encore en faire d’autres », « Tu es jeune », « Tu ne le connaissais même pas encore » ou bien « Ce n’est pas comme le bébé de… qui était déjà là… ».
Autant de maladresses et de déshumanisation qui vous crèvent encore plus le cœur, qui vous plongent dans un monde parallèle.
Oui, c’est bien de cela dont il est question. Vous êtes hors du temps. Dans une réalité, la vôtre, dont vous êtes la seule actrice.
C’est à ce moment que le corps doit suivre son processus à vide.
Comment la mère va vivre ce processus ?
Comment pouvons-nous imaginer le processus de cette progression du corps traumatisé ? Ce que le corps ressent, accumulé jusqu’au terme des 9 mois de la grossesse. Pourtant, il n’y a plus de vie qui se développe, tandis qu’il poursuit intuitivement son évolution comme s’il portait encore la vie. Le corps est déboussolé, il arrive qu’il agisse comme si la vie était encore en vous ! Pourtant votre morphologie n’est plus la même… C’est seulement à la date prévue qu’il accepte de reprendre son processus naturel. Néanmoins, il va falloir une fois de plus faire un autre deuil et admettre que c’est réel…
Comment Le Père va vivre ce processus ?
Nous ne pouvons pas oser penser que ce père qui n’a que le titre souffre sans pouvoir le dire, car la société ne l’y autorise pas ! Il va devoir souffrir deux fois plus de la perte de son futur enfant non viable. Et ce silence qu’il doit garder en son être. Pourtant, tout comme la femme, il souffre ! Sa douleur est bien réelle. Ses rêves qui resteront à jamais dans le silence, cette forme d’impuissance de ne pas avoir pu aider cette grossesse à aller à son terme. Une paternité illusoire, passée sous silence, dans la brèche de la douleur.
Qui peut imaginer vivre cette expérience du deuil de la grossesse ?
Qui peut oser imaginer l’annonce de cette nouvelle ?
Qui peut imaginer conduire son enfant dans ce si petit cercueil ?
Qui peut imaginer laisser partir son essence avant lui ?
Qui peut imaginer que chaque année à la même date, c’est sur une tombe que l’on va fêter son enfant ? Et vous ?
Pourquoi nous pouvons être sans réaction face à cette expérience du deuil de la grossesse. Le déni passe par là. Certains trouveront cela normal pour la simple raison que ce n’est pas leur cœur qui parle. Ou bien leur corps. Ou eux ! Ou, une fois de plus, des croyances multiples. Ou bien la société parle pour eux. Car non, ce n’est pas juste pour la personne qui vit ce moment. Eh oui ! Il a besoin de faire son deuil. Tout comme nous devons faire notre deuil pour chaque situation de vie. Le parent aussi.
Comment accompagner un parent qui traverse cette expérience ?
Un premier conseil : si nous ne savons pas comment nous positionner, il vaut mieux se taire, ou plutôt, il est impératif de se taire.
La personne en deuil a besoin d’être écoutée d’une épaule forte, de compassion, d’espace, de temps. Il est possible qu’elle vous rejette tout simplement parce qu’elle est elle-même déboussolée. Tout son monde s’effondre. Soyez patient, ce n’est pas dirigé vers vous. Le plus important, c’est de laisser du temps. Encore plus si cette personne vous le demande. Ne pensez pas à sa place, car vous ne pouvez ni ne voulez vivre sa douleur ! Encore moins le vide qui l’habite. Laisser le parent vivre les étapes du deuil, sans le faire culpabiliser de quelque manière que ce soit.
Le deuil du désir de la maternité sous-entend de faire plusieurs deuils, celui de ne pas avoir la capacité de donner la vie. Le deuil de ne pas avoir de descendance biologique, le deuil de ne pas connaitre la vie en soi. Le deuil que notre corps refuse de ne pas pouvoir accomplir la conception d’un être vivant ou bien le deuil d’accepter de ne pas pouvoir partager la joie de son partenaire de vie.
L’avortement : n’allez surtout pas croire que c’est un acte vide de sens et délibéré.
Il faut savoir qu’à un certain moment, des mémoires cristallisées peuvent se réveiller et générer des déséquilibres émotionnels, mentaux ou physiques chez cette femme ou encore cet homme.
Quel que soit le deuil que nous vivons, notre corps a une mémoire ! Il n’oublie rien. Cela s’inscrit dans votre programmation. Des mémoires énergétiques restent dans le corps.
Lors de ma formation du deuil périnatal, je me souviens de cette jeune femme. Elle disait avoir fait cet acte pour des raisons… qui, à mon sens, lui appartenaient et que je respecte. Elle disait que tout allait bien et elle avançait sereinement. Plus nous lui posons des questions et plus son corps disait le contraire. Des douleurs endormies refirent sans surprise surface. Elle s’est alors effondrée, elle qui disait qu’elle pensait tout contrôler et que tout cela était derrière elle.
Non. Avorter n’est pas anodin, il y a un deuil à faire. Une mémoire à décristalliser dans le corps. Des émotions auxquelles il est nécessaire de donner du sens.
La fausse couche, c’est l’interruption précoce de la gestation. Elle peut être à l’origine de divers facteurs, notamment d’une cause pathologique de l’homme ou de la femme, de certains médicaments, d’un évènement stressant de la vie… Il y a absence de viabilité du fœtus. Elle survient au cours du premier trimestre. Elles sont les plus fréquentes et principalement observées avant la 10e semaine de grossesse. Ce qui rend encore plus pénible cette expérience, c’est quand cela survient alors même que la femme n’a pas encore conscience de son état.
Enfant mort-né
Me voici là écoutant cette mère qui ne comprend pas ce qui se passe et à qui l’on dit qu’elle va devoir faire des démarches pour enterrer cet être qu’elle a expulsé en elle hier soir, il était sans vie. Je peux ressentir sa tristesse dans mes tripes. Ses yeux vides en sanglots, juste un corps qui flotte sans comprendre ce qui se passe vraiment. Elle dit : « Hier, il bougeait en moi, et maintenant, on me parle déjà d’obsèques. »
Je regarde son mari, effondré, qui fait face pour la soutenir, le cœur déchiré, les yeux rouges. Il ne s’autorise pas à pleurer, car il doit être fort pour deux. Je le regarde désemparer, il cherche les mots justes pour sa femme, bien que son mal-être soit palpable. Il la porte dans ses bras. Cet homme-là, pâle, le cœur arraché, reste en silence dans sa douleur. Je regarde ce couple sans dire un mot. Leur monde s’est complètement effondré. La suite de l’histoire va donner lieu à une scène déchirante dans le reposoir…
Chaque être a sa valeur, quelle que soit sa durée de vie. Elle a le droit d’être honorée dignement dans le respect !
Le 15 octobre est dédié à la Journée Mondiale de sensibilisation au deuil périnatal.
À nos petits anges et leurs parents